Mission accomplie


Mon vieux compagnon est revenu et à mon oreille a murmuré que l'heure de l'accompagner est arrivée. Je pense qu'il a raison. Je dois l'écouter et par lui me laisser guider. C'est à mon tour de lui prouver ma fidélité.

Lui, il a toujours été là pour moi. Toujours fidèle, il ne m'a jamais quitté. Parfois, peut-être s'est-il quelque peu endormi, pour ne pas souffrir de mon refus à le suivre. Je ne peux pas dire qu'il m'a manqué. Mais je dois avouer que souvent je pensais à lui.

Et puis, je ne sais pour quelle raison, j'ai imaginé qu'il m'avait oubliée, quittée à tout jamais. Je me suis trompée, maintenant, je le sais. Il a toujours été près de moi, tout près. Juste somnolent, il attendait son heure.

Je comprends qu'il ne puisse, tout comme moi je ne pourrai, savourer son heure de gloire tout seul. Je comprends aussi que plus que jamais il tient à ne plus me lâcher. Je crois que je lui ai manqué. Je lui ai manqué tout ce temps où la vie n'a cessé de me donner des coups et que moi je ne cessais de me relever, le laissant seul avec son désespoir, le laissant VIDE.

Pourtant, dans les heures de doute, et elles ont été nombreuses, il venait alors m'effleurer et, de sa douce inexistence, me caressait. Cet effleurement me faisait frissonner, sans jamais réellement ébranler mes convictions, mes certitudes. Ces croyances que j'ai faites miennes. Celles que toujours m'ont fait relever la tête, que toujours m'ont poussé à m'investir dans la mission que je pensais être de mon devoir d'accomplir. Occupé à son accomplissement, tel l'artiste obnubilé par son œuvre, je m'y suis jeté à corps perdu et de ce fait je ne pouvais lui prêter grande attention. Je l'ai délaissé, abandonné quelques instants. Je n'étais pas plus mal…

Ai-je accomplie ma mission, ou ai-je baissé ma garde ? L'ai-je à nouveau tellement désiré près de moi qu'il est revenu entendant mes pleurs ? Je ne saurai dire… Mais je le sens là, bien présent. Je dirai même, plus que jamais. Cette fois, je suis tombée toute seule et je n'ai plus le courage de me lever. Plus aucun désir, plus aucune sensation. Seules ses caresses me font encore réagir.

J'ouvre les yeux, je ne vois rien. Je sais que je ne peux pas le voir. Le noir a envahi l'espace et mon âme. J'aimerai le saisir, mais il est insaisissable. Il sentit mon désir de le toucher… Et de sa douce voix murmure un air, pour moi, jusque l'à inconnu. Il envahi tout mon être. Il prend possession du moindre pore de mon corps… ce n'est nullement déplaisant. Un corps vide, rempli de Vide.

Son chant m'enchante et une soudaine envie de l'entendre plus distinctement me saisi. J'ai entendu : « mission accomplie » Ai-je bien entendu ? Puis-je vraiment partir ? Oui. J'ai la conviction que rien, plus rien ne me retient plus ici. Ma mission est accomplie.

Enfin, il me reste encore à faire un dernier petit effort… Entrouvrir mes lèvres pour lui dire merci et lui faire part de mon dernier désir. Mais nul besoin de parler, mon ami de toujours me comprend sans parler, il sait l'erreur que je veux réparer. Il me connait si bien. Il sait, lui, que j'ai été infidèle à mon fiancé, celui à qui j'étais promise depuis l'enfance. Le silence. Je l'épouse avant mon départ, lui qui m'a attendu depuis le berceau.

Maintenant, que c'est fait, nous voilà prêts à partir, main dans la main, le vide et moi. Nous partirons comme deux vieux compagnons, si proches et si lointains à la fois, qui se connaissent si bien et qu'ensemble ont commencé et fini le parcours de toute une vie, remplir nos existences dans un ailleurs loin d'ici.

Le vide et moi ne faisons plus qu'un, nous les vieux compagnons d'un destin. Jusqu'à l'éternité nous serons enlacés… il n'y aura plus de demain.

L.R.




07/05/2010
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