Laïka, pleure

 

 

De l'autre côté de ces vitres embuées, je regarde la ville. Des gens pressés, sur le trottoir, paraissent réglés à l'horloge du clocher.

 

Moi je vis un de ces instants qui fait plus partie de la mort que de la vie, un instant léthargique. En moi, corps et regard figés, tout s'est arrêté, sauf les pensées qui s'envolent, vers le lointain passé.

 

Mon esprit confus va me transporter dans l'antan distant.

 

Il quitta mon corps, pour aller fouiller, dans les temps reculés, là bas, où l'enfance a été entreposée, les petites notes de bonheur que l'adulte a tendance à oublier.

 

A cet instant, une mélodie fait vibrer mon coeur, comme pour me rappeler, qu'un jour le bonheur a existé, qu'un jour je fus témoin d'instants magiques, d'instants différents…, Ce jour, de bonheur absolu, j'ai vu ce que, certainement, peu d'humains ont eu la chance d'avoir vu ou vécu.

 

J'ai vu un être, de qui on dit ne pas avoir d'âme, pleurer. Ces petits yeux, paraissaient vouloir dire, à mon père, je t'aime je ne t'oublierai jamais !

 

Je ne puis dire, pourquoi, un jour qui devrait être empreint de tristesse devient, tout à coup, un des plus inoubliables de notre vie. Je n'avais que 6 ans, lorsque papa est tombé gravement malade. Il est transporté à l'hôpital, pour ne jamais revenir.

 

Ce jour là, je le regarde partir, trop jeune pour l'accompagner, trop jeune aussi pour comprendre ce qui arrivait, je reste immobile, sur le tas de sable, près de mon chien.

 

Lui, assis, pousse des cris. Si violents, si tristes que je me retourne pour le regarder et, à cet instant, avec mes yeux d'enfant, j'ai vu couler de ses yeux des larmes. J'ai vu un chien, mon chien, pleurer !

 

Son nom était laïka, je ne puis l'oublier, même 40 ans après. Ce n'est pas une histoire, c'est une tranche de vie. Des souvenirs lointains, vécus par un enfant du haut de ses 6 ans. Bonheur, magie, stupeur ... Je ne sais décrire.

 

Et, aussi étrange que cela puisse paraître, pendant de longues années, laïka allait sur la tombe de mon père, s'asseyait devant, et gémissait. Je n'ai jamais compris, comment elle faisait pour la reconnaître.

 

Laïka, encore une fois, bien des années après ton départ, tu me fais revivre, dans un moment de tristesse, un moment d'intense allégresse. Plus de vitres embuées, mes sens se sont éveillés.

 

Cet instant magique, je ne l'ai vécu qu'une fois, il ne reviendra pas ! Toi non plus mon chien. Mais, ton souvenir restera, à jamais, gravé dans mon cœur et dans ma mémoire. Toi le chien d'entre chiens, plus humanoïde que certains humains.

 

A Laïka.

 



04/10/2008
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 84 autres membres