Mariska, la Gitane

La roulotte est arrivée depuis, seulement, quelques secondes et Mariska, à peine ses pieds posés à terre, court vers le grand chêne. Dans sa main 5 feuilles, vieillies par le temps, attachées d'un ruban bleu. Tel un trésor, elle les déposa au pied de l'éminent chêne, leur chêne ! Celui dont ils ont empreint l'écorce, à tout jamais, il y a quelques années, de leurs noms gravés, en gage d'amitié.

Ils se sont promis cueillir, chaque saison, le nombre de feuilles correspondant au nombre d'années de leur amitié et de les déposer l'année suivante au pied de leur arbre à bonheur. Depuis, maintenant, 3 jours Mariska fait des va-et-vient, allant du camp au chêne et du chêne au camp.

Mariska, n'est encore qu'une enfant, pourtant, ses yeux réverbèrent l'inquiétude d'un grand. Les feuilles endormies, habillent la prairie, d'une douce couleur d'automne mais dans le regard de Mariska juste le reflet d'un gris monotone.

Le cœur à l'envers, Mariska refait, pour la énième fois, ce chemin qu'elle connaît si bien. Une, deux, trois fois, combien, elle ne sait pas. Mariska cherche, parmi le tapis de feuilles, un signe, quelque preuve que le serment tient, qu'il n'a pas été oublié, que le ramures ont été déposées, ici, comme ils se l'étaient promis, il y a de cela quelques lunes.

Et Mariska continue de chercher, comme si sa vie en dépendait, parmi toutes les feuilles, celles qui vont apaiser son cœur. Elle lève les yeux, il lui semble que le chêne pleure. Comme si lui aussi sentait cette douleur, qui martèle dans sa poitrine. Un dernier regard à ses  pieds, mais cette année, seules les feuilles de Mariska se trouvent là, désoccupés, comme vidées le leur essence, elles périssent, bien plus vite que par le passé.

Fatiguée, Mariska entreprend son retour vers le camp. Le soleil, que timidement l'a réchauffée, s'en va, laissant place à la lune argentée. Mariska s'abandonne à ses pensées… "Tchavolo a peut-être raison, «il faut se méfier de "los otros», dit-il souvent… "M'a-t-il oubliée, est-il parti ou souffrant ? " "Kaj sasto te aves !" * "Ce soir, si la lune veut bien, je vais m'en assurer par mes propres yeux."

Mariska, ne mage pas, elle prie. Elle aimerait tant que la lune ne brille pas ce soir, elle aime le clair de lune, mais pas ce soir. "S'il te plaît, lune, laisse-moi aller voir…"

Autour du feu, on mange, on chante, on danse, au son des guitares. Tout le clan est heureux… tous, sauf Mariska. Pour la première fois, la mélodie de la guitare lui semble une litanie, un compte à rebours dont la salve finale est sa propre vie. Mariska, sur la pointe des pieds, se dirige vers la roulotte, comme pour aller dormir. Dans ses plus profondes pensées, cette envie de partir, aller voir… Mais, la lune brille, elle risque d'être vue.

Dans la roulotte, sans retenue, Mariska laisse couler ses larmes... et ces perles au goût salé, lui on ravivé le souvenir d'un non lointain passé, les paroles de son père, Pablo, lui vinrent à l'esprit "Un Homme se mesure à sa parole, sans elle, il n'est ni Homme et encore moins un gitan" "Il se doit de la respecter, quitte à y perdre sa propre vie"

Mariska se souvient alors, avoir donné sa parole à son ami "si l'un manque, l'autre cherche"… Parole de gitane, elle ne peut y manquer. Peut importe si la lune brille, Mariska part enquérir son ami.

Il faut faire vite, il ne faut pas que les siens sachent qu'elle est partie. Surtout que Mariska est promise, depuis l'age de 11 ans, elle en a 15, à Tchavolo et une gitane ne doit pas se lier d'amitié avec "los otros".

Mariska, dans un dernier espoir, les yeux troubles, leva son regard vers la lune. D'un éclat plus pâle, la lune adresse un sourire à Mariska et en un instant disparaît… Mariska comprend que, pour ce soir, la lune est son alliée et court vers la clairière, si vite que ses pieds n'ont pas le temps de faire ni bruit ni traces sur le sol. Mariska semble voler…, traverse la clairière du grand chêne, sans s'arrêter, seule la vision de son ami pourrait la stopper.

Devant la grande demeure, un brouhaha, des gens qui s'affairent à vider les voitures garées en face. La lune refait une furtive apparition et Mariska pu voir la silhouette d'un grand jeune homme. Randy, elle le reconnut aussitôt. "Ils étaient absents, sans doute", pensa-t-elle.

Mariska est maintenant apaisée et, se dit que demain ils se retrouveront près du grand chêne, s'apprêta à partir….

Mais, puisque, l'amitié voit avec les yeux de l'âme et que dans l'âme des cœurs purs, même du gris il n'y en a pas, Randy la voit dans le noir.

-Mariska, Mariskaaaaaaaa...

Mariska ne se retourna pas… Elle doit rentrer avant que son clan s'aperçoive de son escapade nocturne.  

- Papa, c'est mon amie et elle risque d'être bannie, ou même sa vie, pour ce qu'elle vient de faire. Elle est juste venue voir si j'allais bien, nous nous l'étions promis de faire ainsi. Je doit l'aider, même à mon dernier souffle de vie, je ne puis la laisser courir un quelconque danger, suivons-la, s'il te plaît. Papa acquiesce ; Ils prirent un fusil et suivent Mariska. Ils pourront faire diversion, si Mariska se fait prendre par les siens...

Arrivée au camp, les siens continuent la fête, mais cette fois tout près des roulottes, ce qui empêche Mariska de rentrer sans être vue. Elle se cache et attend qu'ils rentrent, courant le risque de se faire prendre.

Soudain, dans l'obscurité de la nuit, un coup de carabine retentit, puis un autre…, les hommes du clan se lèvent, s'arment pour se protéger, et partent s'assurer qu'ils ne sont pas attaqués. Mariska rentre et, tranquillement, se couche.

La lune, fière s'arrondit, s'illumine plus radieuse que jamais et, dans un dernier sourire, dessine le visage de Randy. Une dernière fois, avant de dormir, Mariska regarda la lune, où elle vit Randy, Mariska sourit et compris que son ami venait de lui sauver la vie.

Mariska peut paisiblement rêver…, les lendemains d'une si belle amitié.

Lina Reina

*que tu sois en bonne santé